La migration au sein des sociétés humaines n’est pas un phénomène récent dans l’histoire, au contraire. Nous avons pu observer les modes de subsistance des communautés préhistoriques se modifier suivant les différentes périodes climatiques. Les environnements hébergeant ces communautés ont évolué et celles-ci n’ont eu d’autres choix que de se déplacer ailleurs. De plus, l’activité humaine a eu directement des impacts sur ces environnements (érosion du sol, glissements de terrain, etc.).
Cette activité anthropique n’induit pas les mêmes conséquences que les bouleversements engendrés par l’activité contemporaine de l’espèce humaine. Ces conséquences sont les changements climatiques auxquels nous faisons face aujourd’hui. Les dérèglements observés sont la cause directe des catastrophes naturelles et des phénomènes climatiques violents qui forcent les habitants des pays touchés à se déplacer vers des zones plus sûres à l’intérieur ou à l’extérieur de leur pays d’origine. Les personnes en situation de migration forcée proviennent majoritairement des pays du Sud global. En 2022, 32,6 millions de personnes ont été contraintes de se déplacer, que ce soit en raison d’un conflit ou de catastrophes naturelles. Nous parlons dans ce dernier cas de « migration environnementale ».
Qu’est-ce que la migration environnementale?
Nous pouvons donc résumer le phénomène de migration environnementale comme suit : « Les personnes ou groupes de personnes qui, essentiellement pour des raisons liées à un changement environnemental soudain ou progressif influant négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de quitter leur foyer habituel ou le quittent de leur propre initiative, temporairement ou définitivement et qui de ce fait, se déplacent à l’intérieur de leur pays ou en sortent » (Mérenne-Schoumaker 2020).
La « migration forcée » concerne des personnes qui doivent quitter leur lieu d’origine par nécessité de survie. C’est un « mouvement migratoire, non-volontaire, contraint et subi ». Les réfugiés au sens de la Convention Relative au Statuts des Réfugiés (1951) répondent à des critères précis. Ce sont des individus qui, après avoir subi des persécutions et menaces dans leur pays d’origine, quittent leurs pays pour demander l’asile dans un pays étranger. Les « réfugiés climatiques » ne répondent pas à ses critères.
Les causes environnementales sont rarement les seules pouvant influencer la migration d’individus. Des facteurs économiques et sociaux sont en jeu, tout comme la promptitude du phénomène naturel. La sécheresse est progressive, alors qu’une inondation se produit rapidement et engendre des conséquences immédiates sur les habitants de la zone touchée. De plus, la classe sociale et les moyens économiques entrent aussi en ligne de compte. Certaines personnes n’ont pas les moyens de quitter la zone dévastée. Celles-ci deviennent alors « prises au piège » dans un environnement particulièrement inhospitalier et dangereux. De plus, il est crucial de prendre en compte les interactions entre l’environnement, le statut socio-économique et la migration. Un État discriminatoire, brutal ou inapte à répondre efficacement à des crises, favorisera l’émergence de migration forcée. Nous pouvons penser à l’Irlande sous occupation britannique et à la Grande Famine de 1847-1848.
Droits et statuts des « migrants climatiques »: quelles avancées?
La variabilité des causes de migrations est très grande et complique la mise en œuvre de solutions uniques. Si la probabilité de modifier la Convention des Réfugiés (1951) afin d’y inclure des clauses spécifiques aux perturbations environnementale semble mince, des initiatives existent:
- Initiative Nansen (2012) : processus consultatif intergouvernemental lancé en 2012 par la Norvège et la Suisse. Ce processus vise à protéger les personnes déplacées suite aux effets néfastes des changements climatiques par la coopération et la solidarité internationale.
- Pacte Mondial sur les Migrations de l’ONU (2018) : document signé par 152 États qui reconnait les changements climatiques comme une cause de départ forcé des populations. La souveraineté des États est respectée quant à la décision du droit d’entrée et de séjour sur le territoire. Il y transparait donc un engagement favorable à la coopération internationale en ce qui concerne la migration.
- Recommendations formulées au cours des COP (2009, 2015 et 2018) : celles-ci reconnaissent l’importance d’adoption d’approches intégrées pour « prévenir, réduire au minimum et prendre en compte les déplacements liés aux effets néfastes des changements climatiques ».
Toutes ces initiatives non contraignantes montrent une forme de volonté politique d’adresser le phénomène de migration climatique. Or, la perspective de modifier la Convention des Réfugiés, afin d’étendre aux migrants climatiques les protections offertes, n’est pas une solution examinée. La réponse des États face aux défis qu’impliquent le phénomène de migration climatique doit être internationale et collaborative.
Références
https://icccad.net/news/innovative-solutions-to-the-plight-of-climate-migrants/
https://unric.org/fr/climat-vers-des-migrations-de-plus-en-plus-importantes/#
https://www.migrationdataportal.org/fr/themes/migration-et-deplacements-forces
https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-relating-status-refugees