Le combat des municipalités

La reconnaissance des municipalités comme gouvernement de proximité a été un tournant majeur dans la sphère politique québécoise.1 Cette reconnaissance signifie plus d’efficience et d’imputabilité. Cette reconnaissance leur permet de répondre plus convenablement aux attentes locales en matière de réduction ou d’atténuation de l’inégalité sociale et des effets du changement climatique. Pour mener à bien cette mission, les municipalités ont besoin de ressources pour réaliser leurs activités. À cet effet, des interrogations suscitent notre curiosité, où puiser ses ressources ? Comment les gérer de façon efficace et efficiente ? En réponse à ces interrogations, la fiscalité municipale se présentait comme l’outil par excellence. Nous sommes donc en droit de nous demander si cet outil est exempt de conséquences et s’il existe d’autres modèles plus intégrants.

Qu’est-ce que la fiscalité municipale ?

La fiscalité municipale communément appelée fiscalité locale se définit comme l’ensemble de toutes les taxes que les collectivités locales ou territoriales prélèvent auprès des personnes physiques ou morales pour financer leur fonctionnement.2 Pour qu’une fiscalité soit active, elle se doit de répondre aux critères suivants : être socialement acceptable, serviable et autonome. Toutefois, il est important de souligner qu’à travers le monde, les municipalités ont chacune leur façon de fonctionner. Une étude comparative réalisée par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) a démontré que les gouvernements ont une variété de sources fiscales. Il s’agit entre autres de l’impôt sur le revenu, l’impôt sur le patrimoine et les taxes sur les biens et services. Le tableau ci-dessous illustre la nature des revenus fiscaux des pays de l’OCDE. 3

Selon le rapport, il revient que sur 38 pays, 16 ont pour revenus fiscaux les taxes foncières alors que 12 autres puisent leurs ressources dans l’impôt sur le revenu. Par conséquent, le choix des revenus fiscaux détermine l’ampleur de la responsabilité des gouvernements locaux et leurs champs d’action. Par exemple, les pays qui misent sur l’impôt sur le revenu ont la responsabilité de certaines dépenses locales, notamment la santé et l’éducation. En revanche, les pays dont la fiscalité repose sur l’impôt foncier accordent un rôle plus prépondérant aux pouvoirs publics où sont prises les décisions de dépenses publiques.

Au Québec, la fiscalité locale repose essentiellement sur la fiscalité foncière.4 Cependant, notons que les villes n’ont aucun pouvoir sur les taux de taxe. Ces derniers sont déterminés par des conseils de ville. Il est aussi important de noter que selon IRIS, l’impôt foncier entraîne des effets pervers tant sur l’environnement que sur le social.

Quels sont les effets pervers de la taxe foncière ?

L’augmentation des revenus de la municipalité passe par la multiplication du nombre de propriétés et de terrains exploités. Ceci engendre une urbanisation effrénée qui fragmente les milieux naturels. Cette urbanisation pourrait occasionner d’autres conséquences telles que la pollution (eau, l’air et sol), la surexploitation des ressources naturelles et la prolifération des espèces envahissantes. 5

Par ailleurs, il faut noter que l’évolution de la valeur foncière engendre aussi d’autres répercussions. Dans une première mesure, son augmentation occasionne la dégradation des conditions de vie des populations (accès difficile aux logements, part importante des revenus pour s’acquitter des taxes). En outre, les entreprises sont directement touchées. En effet, la hausse des loyers commerciaux pousserait à la fermeture des commerces ou à leur délocalisation. Aussi, cette stratégie montre ses limites dans une ère où les entreprises sont pour la plupart « digitales », donc elles occupent moins d’espace.

Par contre, si les prix régressent, les municipalités verront leur recette fiscale diminuer d’autant plus qu’elles n’ont aucune emprise sur le marché immobilier. Cela pourrait affecter la qualité des services offerts. 6

La taxe foncière ayant montré ses limites, il est plus que nécessaire de se tourner vers une fiscalité qui intègre les besoins contemporains. Pour cela, les municipalités ont un rôle primordial à jouer. À cet effet, l’écofiscalité se présente comme la solution par excellence que les municipalités se doivent d’adopter.

Que peut-on retenir de l’écofiscalité ?

L’écofiscalité dans sa globalité a pour but de changer les comportements et de favoriser la transition écologique.7 Cependant, les mesures entreprises doivent être socialement justes. Ainsi, les municipalités disposent de plusieurs paramètres afin de répondre aux divers défis environnementaux. On peut citer entre autres la réglementation stricte ou les campagnes de conscientisation.

Quelles sont les autres solutions pour les municipalités ?

D’autres mesures telles que la mise en place de meilleures pratiques en termes de transport en commun sont à mettre en avant. Cette dernière a pour but de réduire notablement les émissions de gaz à effet de serre et de permettre le financement de certaines initiatives locales. Les retombées se sont avérées positives dans plusieurs localités. Il est donc judicieux d’éviter toute privatisation du secteur du transport en commun, car les objectifs environnementaux et sociaux se feront éclipser par la recherche de la rentabilité et de la maximisation du profit.

En définitive, notons que le modèle de fiscalité municipale au Québec rencontre certaines limites. Et ces effets pervers sur l’environnement demeurent sans appel. La responsabilité des municipalités dans la transition écologique est impérative en raison des changements climatiques qui exigent que tous les acteurs concernés interviennent avec vigueur. Il est alors impératif de fournir des services de proximité de qualité tout en tenant compte des plus vulnérables, mais surtout de l’environnement.

L’écofiscalité s’avère être une aubaine pour conscientiser et assurer efficacement la transition écologique, mais elle doit être entreprise avec précaution afin d’en tirer profit. Elle passe également par la mise en place ou le développement du transport en commun.

Références

1- Mévellec, A., Chiasson, G. & Fournis, Y. (2017). De « créatures du gouvernement » à « gouvernements de proximité » : la trajectoire sinueuse des municipalités québécoises. Revue française d’administration publique, 2(2), 339-352. Repère à : https://doi.org/10.3917/rfap.162.0339

2- Cournoyer-Gendron, M. (2016). Fiscalité municipale : l’impôt foncier et ses alternatives. Repère à : http://www.vrm.ca/limpot-foncier-et-autres-alternatives-pour-le-financement-des-villes/

3- IRIS (2021). Fiscalité municipale :une réforme nécessaire pour une transition juste. Repère à : https://cdn.iris-recherche.qc.ca/uploads/publication/file/Fiscalite_municipale_WEB.pdf

4- Union des municipalités du Québec, (2021). Pacte fiscal 2019. Repère à : https://umq.qc.ca/dossiers/fiscalite-et-finances/pacte-fiscal-2019/

5- Lambert, P. (2015). L’écologisation des plans d’urbanisme au Québec. Mémoire de fin d’études. Repère à https://www.usherbrooke.ca/environnement/fileadmin/sites/environnement/documents/Essais_2015/Lambert_PA__2015-01-19_.pdf

6- IRIS (2015). Fiscalité municipale, peut-on faire mieux ? Repère à  : https://cdn.iris-recherche.qc.ca/uploads/publication/file/Note-Fiscalite-municipale-WEB-02.pdf

7- Chaire de gestion du secteur de l’énergie HEC Montréal (2020). L’écofiscalité au Québec quelles options pour accélérer la transition énergétique et la décarbonisation de l’économie ? Repère à https://energie.hec.ca/wp-content/uploads/2020/06/RAPPORT_Ecofiscalite%CC%81_web.pdf